L’Etat vend vos données personnelles de carte grise !

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lerite
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L’Etat vend vos données personnelles de carte grise !

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La paru­tion récente au jour­nal offi­ciel du 21 avril d’un arrêté minis­té­riel fixant le mon­tant de la rede­vance due en contre­par­tie de la mise à dis­po­si­tion des infor­ma­tions issues du sys­tème d’immatriculation des véhi­cules nous donne l’occasion de por­ter à la connais­sance de nos lec­teurs un dis­po­si­tif jusqu’à pré­sent peu connu des auto­mo­bi­listes mais qui devrait faire par­ler de lui dans les pro­chaines semaines à l’occasion de sa mise en œuvre : la vente par l’Etat à des fins com­mer­ciales des don­nées per­son­nelles figu­rant sur la carte grise.



Ce sys­tème est-il légal ?


Tout à fait, et ce depuis qu’une loi du 20 avril 2009 a cru bon modi­fier l’article L.330–5 du code de la route. Ce der­nier, dans sa ver­sion actuelle, dis­pose ainsi que les infor­ma­tions nomi­na­tives figu­rant dans les pièces admi­nis­tra­tives exi­gées pour la cir­cu­la­tion des véhi­cules peuvent être com­mu­ni­quées « à des tiers préa­la­ble­ment agréés par l’autorité admi­nis­tra­tive (…) à des fins d’enquêtes et de pros­pec­tions com­mer­ciales ».

Quelles sont les don­nées sus­cep­tibles d’être vendues ?


Toutes celles qui figurent dans le sys­tème d’immatriculation des véhi­cules (SIV) ! Et elles sont nom­breuses puisque sont par exemple ins­crites dans ce fichier :

Les don­nées d’identification du titu­laire du cer­ti­fi­cat d’immatriculation :
Pour une per­sonne phy­sique : nom, nom d’usage, pré­nom, sexe, date et lieu de nais­sance, adresse du titu­laire du cer­ti­fi­cat d’immatriculation ;
Pour une per­sonne morale : rai­son sociale, n° SIREN et/ou n° SIRET, adresse ;
Les don­nées rela­tives au véhi­cule et à l’autorisation de cir­cu­ler telles que le numéro d’immatriculation, les carac­té­ris­tiques tech­niques du véhi­cule (marque, modèle, cou­leur…), la situa­tion du véhi­cule vis-à-vis du contrôle tech­nique, etc.
A quel prix ?


La com­mu­ni­ca­tion de toutes ces don­nées n’est pas offerte à titre gra­cieux par l’Etat aux socié­tés com­mer­ciales qui en feraient la demande. Elle se fait en effet en contre­par­tie d’une rede­vance déter­mi­née par arrêté du ministre de l’intérieur. Jusqu’à pré­sent, la vente était auto­ri­sée par les textes mais elle n’avait pas été encore mise en œuvre faute d’un tel arrêté. La machine est désor­mais lan­cée « grâce » à un arrêté du 11 avril 2011.

Le prix des infor­ma­tions rela­tives à un dos­sier d’immatriculation est variable selon les infor­ma­tions que la société com­mer­ciale sou­haite ache­ter et selon le nombre de cer­ti­fi­cats d’immatriculation concer­nés. Dans l’hypothèse où une entre­prise sou­hai­te­rait avoir accès à l’ensemble des infor­ma­tions du SIV, elle devra s’acquitter d’un mon­tant qui s’élèvera, par dos­sier d’immatriculation et selon les quan­ti­tés dési­rées, au maxi­mum à 0.2 euros et au mini­mum à 0.087 euros.

Faut-il s’en inquiéter ?


Si des voix de plus en plus nom­breuses s’élèvent contre la ten­dance actuelle de notre société au fichage sys­té­ma­tique, le trai­te­ment auto­ma­tisé de don­nées à carac­tère per­son­nel qu’est le SIV répond cepen­dant indis­cu­ta­ble­ment à un objec­tif d’intérêt géné­ral et a été éta­bli dans le cadre d’une mis­sion de ser­vice public. Il n’est donc pas ici ques­tion de le remettre en cause. Il en va autre­ment pour la vente des don­nées de ce fichier pour laquelle on peut légi­ti­me­ment s’interroger, et ce pour plu­sieurs raisons.

1. Tout d’abord, on peut s’inquiéter de la dimen­sion que pour­rait prendre cette trans­mis­sion. Le prix de 0.087 euros indi­qué ci-dessus est en effet celui prévu lors de l’achat de plus de 10 mil­lions de dos­siers d’immatriculation ! Si un tel nombre figure dans l’arrêté ce n’est pas dû au hasard, cela montre bien que l’administration a prévu l’éventualité d’un tel volume de ventes !

2. Ensuite, on peut s’interroger sur l’utilisation de ces don­nées. Leur mise à dis­po­si­tion est certes pré­cé­dée de l’octroi d’une licence (article 1er de l’arrêté du 11 avril 2011) qui fixe les condi­tions de la réuti­li­sa­tion des infor­ma­tions publiques, mais est-ce une garan­tie suf­fi­sante ? Quelles sont d’ailleurs exac­te­ment ces condi­tions ? Tout ce que l’on sait sur ces der­nières est qu’elles ne « peuvent appor­ter de res­tric­tions à la réuti­li­sa­tion que pour des motifs d’intérêt géné­ral et de façon pro­por­tion­née et ne peuvent avoir pour objet ou pour effet de res­treindre la concur­rence » (article 16 de la loi n°78–753 du 17 juillet 1978)…

A l’heure où il est repro­ché à Apple la conser­va­tion de don­nées per­met­tant de tra­cer ses clients, que pen­ser, sans céder à la para­noïa, d’une société pri­vée (ou même plu­sieurs !) qui aurait poten­tiel­le­ment en sa pos­ses­sion les coor­don­nées d’une par­tie de la popu­la­tion fran­çaise ? Les plus opti­mistes pour­raient juger cette inquié­tude infon­dée en rétor­quant que le légis­la­teur a pensé à tout en pré­voyant que la déci­sion d’octroi d’une licence à une société « peut être pré­cé­dée d’une enquête admi­nis­tra­tive » (ali­néa 4 de l’article L.330–5 du code de la route modi­fié par la loi LOPSSI 2). Oui mais le pro­blème est que ce n’est qu’une pos­si­bi­lité et pas une obli­ga­tion ! Cela ne pro­tège donc abso­lu­ment pas les auto­mo­bi­listes d’éventuels abus dans l’utilisation de leurs don­nées per­son­nelles, comme l’avait d’ailleurs sou­levé un par­le­men­taire lors des débats au Sénat. Cette séna­trice rele­vait que si « ce type d’enquête peut être néces­saire, c’est sans doute – c’est du moins ce que nous sup­po­sons – parce que la trans­mis­sion ou la ces­sion de ces fichiers à titre oné­reux a donné lieu à des abus, voire à la com­mis­sion de délits. Par consé­quent, et sans que le grand public en soit for­cé­ment informé – cette dis­po­si­tion légale n’est pas connue –, il existe donc un dan­ger que des entre­prises pri­vées aient accès à des don­nées per­son­nelles rela­tives à des per­sonnes pri­vées » (cli­quer ici pour accé­der aux débats). Que rajou­ter de plus ?

3. Heu­reu­se­ment, tout citoyen « a le droit de s’opposer, sans frais, à ce que les don­nées la concer­nant soient uti­li­sées à des fins de pros­pec­tion, notam­ment com­mer­ciales » (article 38 de la loi n° 78–17 du 6 jan­vier 1978). Dans le cas des infor­ma­tions du SIV, cette oppo­si­tion peut s’exercer soit lors de la demande d’immatriculation soit à tout moment.

Dans le pre­mier cas, c’est ainsi que l’alinéa 1er R.330–11 du code de la route pré­voit que l’imprimé de demande de cer­ti­fi­cat d’immatriculation d’un véhi­cule doit infor­mer de la pos­si­bi­lité de s’opposer à une uti­li­sa­tion com­mer­ciale. Com­ment se concré­tise cette pos­si­bi­lité ? Par une case à cocher, non pas pour auto­ri­ser l’administration à revendre nos don­nées d’identification mais au contraire pour s’y oppo­ser (cli­quer ici et ici pour des illus­tra­tions)… En terme mar­ke­ting, cela s’appelle « l’opt-out actif ». Selon cette tech­nique, l’accord est acquis par défaut et est consi­déré comme impli­cite. Ce choix est loin d’être ano­din, car on ima­gine très bien que les auto­mo­bi­listes qui ne coche­ront pas cette case seront en plus grand nombre que ceux qui auraient volon­tai­re­ment accepté de com­mu­ni­quer leurs don­nées à des fins com­mer­ciales si ce choix leur avait été donné plus expli­ci­te­ment ! On a l’habitude de voir ce genre de pra­tique uti­li­sée par des socié­tés com­mer­ciales mais de la part d’une admi­nis­tra­tion, cela a de quoi éton­ner… En outre, que se passera-t-il pour les auto­mo­bi­listes ayant imma­tri­culé leur véhi­cule avant l’entrée de la loi per­met­tant la vente de ces don­nées, et qui ont donc fait leur demande d’immatriculation au moyen de for­mu­laires qui fort logi­que­ment ne com­por­taient aucune case à cocher ? L’administration les informera-t-elle de la pos­si­bi­lité de s’y opposer ?

Dans la seconde hypo­thèse, « toute per­sonne phy­sique peut s’opposer, auprès du pré­fet du dépar­te­ment de son choix, à la com­mu­ni­ca­tion à des tiers des don­nées à carac­tère per­son­nel la concer­nant, en vue de leur réuti­li­sa­tion à des fins d’enquête et de pros­pec­tions com­mer­ciales. Cette oppo­si­tion est noti­fiée sans délai aux déten­teurs d’une licence com­mer­ciale » (article R.330–1 ali­néa 2). Si sur le papier le pro­cédé semble satis­fai­sant, des inter­ro­ga­tions demeurent, notam­ment sur les moda­li­tés pré­cises de cette oppo­si­tion. Faudra-t-il se dépla­cer en pré­fec­ture ou au contraire adres­ser un cour­rier fai­sant part de la demande ? Dans ce der­nier cas, on connait mal­heu­reu­se­ment la pro­pen­sion des pré­fec­tures à ne pas répondre aux cour­riers envoyés en lettre simple. Dès lors, si un recom­mandé s’impose, l’exigence légale de gra­tuité (la loi de 1978 parle bien d’une oppo­si­tion « sans frais ») sera-t-elle tou­jours respectée ?

Bref, on le voit, les sources d’inquiétudes sont nom­breuses : gar­dons donc les yeux bien ouverts et soyons vigilants !

http://blog.40millionsdautomobilistes.c ... rte-grise/
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