REGION. Un trafic de camping-cars, frauduleusement achetés sur internet puis revendus, a été démantelé à Reims. Le préjudice s’élève à 600 000 euros.
Plus c’est gros, plus ça passe ! À la brigade financière de la sûreté départementale de Reims, les plaintes pour des achats frauduleux sur leboncoin.fr font partie du quotidien. D’ordinaire, le butin soutiré aux vendeurs jamais payés tient dans la poche (portable), voire un carton (électroménager ou multimédia), mais celui qu’affectionnait l’équipe démantelée cette semaine aurait nécessité un vaste entrepôt pour le stocker. Qu’on en juge : une mini-pelle de chantier, une Peugeot 307, une Audi A4 et quinze camping-cars ! Préjudice global : 600 000 euros.
Les premières escroqueries datent de mars 2012, les dernières d’octobre 2013, toutes perpétrées selon un même mode opératoire. Après avoir repéré les véhicules mis en vente sur Le Bon coin, les auteurs contactaient les victimes et se rendaient chez elles pour finaliser la transaction. Le paiement s’effectuait avec des chèques de la Banque postale portant un faux tampon de certification mais la véritable identité du titulaire, Frédéric Barbier, Rémois de 44 ans neuf fois condamné, dont le compte à découvert avait été clôturé.
Il était sûr de se faire prendre. Bêtise ? Inconscience ? Ou besoin immédiat de financer une addiction à la cocaïne sans se préoccuper des conséquences ? Avec la complicité présumée de Christophe Clarenne, 43 ans, 21 condamnations et gérant d’une société de démolition qui a périclité, l’homme a quand même eu le temps d’écouler dix-huit chèques pendant un an et demi, tous rejetés mais trop tard à chaque fois pour empêcher l’escroquerie.
Le changement de propriétaire en préfecture était effectué le jour même de l’achat, ou dès le premier jour ouvrable, bien avant que les chèques ne soient rejetés. Les véhicules étaient revendus avec la même célérité dans la communauté des gens du voyage. De plus, la nouvelle immatriculation leur permettait d’éviter l’inscription au fichier des véhicules volés.
Douze personnes interpellées
Saisie de l’enquête, la brigade financière a identifié dix-huit victimes domiciliées à Barisis et Saint-Quentin (Aisne), Pierry et Frignicourt (Marne), Rethel (Ardennes), dans l’Oise, la Somme, le Nord – Pas-de-Calais, la Lorraine, Paris et la Franche-Comté. Lundi à 6 h 30, les investigations terminées, 45 policiers de la sûreté départementale de Reims ont procédé à douze interpellations : une à Janvry (Marne), une à Villeneuve-Saint-Germain (Aisne), quatre à Laon et cinq à Reims, une dernière dans la Nièvre.
Deux des suspects ont été mis hors de cause, sept receleurs et une complice laissés libres avec une convocation en justice. Quant aux instigateurs présumés du trafic, Christophe Clarenne et Frédéric Barbier, désignés par les plaignants comme étant ceux qui seraient venus les voir sous leurs véritables identités après contacts téléphoniques, ils ont été écroués dans l’attente de leur procès renvoyé au 7 mars pour « escroqueries en bande organisée ».
Les receleurs ont eux-mêmes revendu les véhicules qui ont continué de changer de main, si bien que les acheteurs situés en bout de chaîne étaient de bonne foi. Il n’a donc pas été possible de restituer voitures et camping-cars aux victimes.
Un baratin bien rodé
Domicilié à Chaulnes (Somme) , M. X avait mis son camping-car en vente sur leboncoin.fr au mois d’avril 2012. Il raconte : « Quelqu’un de très intéressé m’a téléphoné. Nous avons pris rendez-vous. Il est venu chez moi avec un jeune qu’il a présenté comme étant son fils (ndlr : les policiers n’ont pu l’identifier). Avant, j’avais vérifié son nom sur internet. Tout collait : son adresse était la bonne et il apparaissait bien comme gérant d’une société de démolition à Reims, ce qu’il m’avait dit. Il m’a expliqué qu’il avait beaucoup de chantiers en région parisienne. Les hôtels lui coûtaient horriblement chers, c’est pourquoi il cherchait un camping-car. Je lui ai vendu le mien 32 500 euros. Il m’a dit qu’en trois ans seulement, il aurait rentabilisé l’achat. »
À une autre victime qui a vendu son camping-car 46 000 euros, le même baratin a été servi. « Il m’a dit : J’en ai marre des hôtels et des vols sur les chantiers en région parisienne . Comme ça, on met le matos dans le camping-car et on dort avec. »
À Chaulnes, l’homme a minutieusement examiné le véhicule. « Pour finir, il a regardé le moteur. Il a demandé au prétendu fils ce qu’il en pensait. Celui-ci a cligné des yeux pour répondre Ok. Je prends ! Le chèque qu’il m’a remis était certifié. Je l’ai accepté. Avant de partir, il a eu le toupet de nous demander s’il pouvait nous rappeler s’il y avait un souci sur une pièce du camping-car. Évidemment, on lui a dit oui. » Quelques jours plus tard, le chèque rejeté, c’est le vendeur qui téléphonait. Sans réussir à le joindre.
